La lettre de Bernard Moitessier

Lettre à tous les maires et conseillers municipaux de France :

“Voici une idée que je crois bonne, même si je l’ai vue dans un rêve: planter des arbres fruitiers le long de toutes les rues de nos villes, le long de toutes nos routes et de tous nos chemins dans tous nos parcs publics et même dans nos forêts pour les essences donnant du bon bois de construction ou d’ébénisterie et des fruits comestibles. Car un arbre fruitier donne à la fois l’ombrage et la verdure dont nous avons besoin, avec les fruits en plus. Mais au-delà de ces considérations pratiques, des arbres fruitiers qui appartiendraient à nous tous (y compris aux oiseaux et aux abeilles) sans être la propriété exclusive de personne représenteraient un symbole pour l’époque de mutation dans laquelle nous devons entrer si nous voulons réussir la construction de l’Europe, et de notre planète. Ces arbres fruitiers pourraient devenir, en grandissant, une participation réelle et sans phrases à la création de quelque chose de plus grand que nos petites personnes, une œuvre généreuse et simple, qui aiderait à unir les hommes dans le sens d’une évolution de l’intelligence du cœur. Ce rêve, que je ne suis pas le seul à faire, sera combattu par toutes sortes de lois qui parleront des guêpes venues se cacher dans les fruits mûrs piquer nos enfants, de la colique due à la consommation des fruits verts et de tous les maux imaginables, sans en oublier un seul. Mais si nous avons fait les lois, il nous incombe également de les modifier dans le sens de la Création, afin de ne pas rester ce que nous sommes, c’est-à-dire pas grand-chose en vérité pour le moment. Les hommes ont bâti les cathédrales, et je crois qu’un pays aux routes, chemins et rues bordés d’arbres fruitiers serait encore plus beau que la plus belle cathédrale imaginable.”

“Un chèque de quinze mille francs sera envoyé par retour du courrier à la première mairie qui s’engagera à utiliser intégralement cette somme pour planter des arbres fruitiers dans le domaine public de sa commune.”