L'initiative de 1980

En 1980, Bernard Moitessier, se basant sur sa propre expérience dans l’atoll d’Ahé en Polynésie, propose à tous les maires de France de planter des arbres fruitiers dans leur commune. Arrivé à Ahé suite à son tour du monde et demi dans le cadre du premier Golden Globe Run, ce qu’il raconte dans son livre La Longue Route, il découvre le sol d’Ahé composé de sable et de roche où rien ne pousse, l’absence d’arbres ajoutant à la chaleur écrasante. Petit à petit, fidèle au surnom de Tamata (celui qui essaie) qui lui a été donné sur l’atoll, en ramenant d’abord quelques sacs de terre de Tahiti, mais surtout en constituant consciencieusement un compost et en couvrant le sol de palmes, il parvient à recréer une couche de sol arable. Comme dans sa jeunesse, où, explorateur aventureux avec ses frères, ils voguaient jusqu’à « leur île », il plante des arbres fruitiers afin d’avoir toujours quelque chose à manger. L’aventure a du bon, mais elle ne perd rien agrémentée de quelques noix de coco ! Cocotiers, palmiers, avocatiers, bananiers, papayers, etc. plantés sur l’atoll doivent bénéficier à tous les habitants d’Ahé. C’est cette expérience qui lui inspire sa lettre aux maires de France progressivement reprise par les journaux.

Parce qu’il est persuadé qu’une telle idée ne peut fonctionner qu’avec la participation de tous, il décide de verser à la première commune à répondre ses économies pour permettre la plantation. Si sa proposition s’adresse aux maires, c’est en sachant qu’ils auraient besoin du soutien de leurs administrés pour mener à bien cette entreprise, il a donc la volonté de mobiliser au-delà du maire et de sensibiliser largement. Comme il l’écrit: “On ne peut pas agir à la place des autres. Si quelqu’un avec une Baguette Magique plantait en une nuit des millions d’arbres fruitiers tout au long des chemins de France, le long de toutes les rues de nos villes et dans tous les parcs publics, ils seraient arrachés… pour que les enfants ne se fassent pas piquer par les guêpes cachées dans les fruits mûrs… […] On ne peut pas jouer pour les autres, on ne peut pas voir pour eux s’ils ne veulent pas regarder.” L’important pour Bernard Moitessier était que cette initiative soit largement diffusée et que chacun s’en saisisse à sa façon plutôt que d’imposer quoique ce soit. L’important, en replaçant l’arbre fruitier dans nos cœurs de bourgs, c’était qu’il regagne le cœur de l’homme, afin qu’il soit protégé et prospère.

A l’époque idée étonnante, un peu folle même, elle avait néanmoins suscité l’intérêt d’une soixantaine de maires en France, désireux de retrouver les communes comestibles de leur enfance. Par retour de lettre, ils candidataient pour la réception du prix, assuraient Bernard Moitessier de leur soutien à sa démarche, le priaient de venir leur rendre visite même si le prix ne leur revenait pas. Certaines communes ont pu planter, d’autres non, car l’époque était moins propice à ce type d’initiative et de nombreuses communes manquaient de moyens. Toutefois, de beaux exemples perdurent encore que l’on peu retrouver dans la section “Communes de 1980”. La première commune ayant répondu, celle de Lachelle dans l’Oise, avait reçu Bernard et sa compagne Véronique venus découvrir les premiers arbres plantés dans le cadre de l’appel.